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Parcours sonore : le salon d'été

L'image montre une pièce appelée le salon d'été composée de plusieurs fauteuils, tables basses, une table de tric trac, des lampes, une banquette.

Admirez le confort du salon d'été de Georges Clemenceau

Le salon d'été

  • L'image montre le salon d'été de Georges Clemenceau composé de nombreux fauteuils, tables, table de jeu, peau de tigre, tapis

    Parcours sonore : le salon d'été

    durée: 8 minutes 56 secondes

    Audio (4,09 MB)

Voix 1 : Tournez-vous vers moi, la table de jeu. Blonde sur les flancs, noire en mon coeur, je jouis de l'éclairage naturel inouïe de cette pièce. C'est Georges qui a commandé la construction de ce salon.

« Mon Palais des Glaces. »

Les grandes ouvertures, plein est et plein ouest, confèrent à l'espace une impression dedans-dehors très moderne. Et dans le même temps, ce salon cossu dote la maison un côté.

« Château horizontal. »

Oh, combien de discussions n'ai-je pas entendues ici - avec des ambassadeurs, avec des amis, avec des journalistes… Indépendantes du reste de la maison, c'est dans ce salon et dans le kiosque attenant, que Georges reçoit ses visiteurs. Et il reçoit beaucoup ! En tant que table - au féminin donc -, je dois dire que la fréquentation de Georges n'a pas toujours été facile. Quel misogyne ! Lui qui peut être par ailleurs tellement progressiste…
Il rencontre l'américaine Mary Plummer lors de son voyage aux Etats-Unis, alors qu'il est professeur, elle est une de ses élèves. Ils se marient et s'installent en France quand elle a 20 ans et lui 28. Trois enfants naissent. Georges multiplie officiellement les maîtresses à Paris. Délaissée, Mary noue une relation avec le précepteur des enfants. Quand Georges l'apprend, il entre dans une rage folle ! Comme la loi de l'époque le permet, il fait condamner Mary pour adultère. Il obtient le divorce aux torts de sa femme. La voilà privée de la garde de ses trois enfants, et de sa nationalité française. Et il la fait expulser de France comme étrangère condamnée pour délit de droit commun. A la mort de Mary, il écrit à son frère : « Ton ex-belle-soeur a fini de souffrir. Aucun de ses enfants n'était là. Un rideau à tirer. »

On le voit, avec les femmes, Georges part de loin, de très loin… Alors, s'il évolue, ce ne peut être que dans le sens de plus de modernité.
Et c'est grâce aux femmes qu'il côtoie. Il y a d'abord Louise Michel. Elle est institutrice dans le quartier de Montmartre quand il en est maire, en 1870, et Georges soutient l'action de
Louise Michel auprès des enfants pauvres ou abandonnés de la capitale. Il leur fournit des vêtements, du charbon, de la nourriture. Quand elle est déportée en Nouvelle-Calédonie, condamnée pour avoir soutenu La Commune de Paris, il lui écrit, lui envoie des mandats. Victor Hugo et lui se battent pour que les communards soient amnistiés… ce qui finit par arriver en 1880. Georges nourrit une grande complicité intellectuelle et politique avec Louise.
Il est également proche de la journaliste femme politique et féministre français Marguerite Durand. Elle a contribué à lui ouvrir les yeux sur certaines réalités.

« Lois, règlements, police, tout protège l'homme. Lois, règlements, police, tout écrase la femme. »

En tant que table de jeux, je dois dire que je ressens dans mes quatre pieds de grandes contradictions entre les discours que l'homme public tient, et les comportements de l'homme privé, qui jamais n'envisage le droit de vote pour les femmes.

« Tant qu'elles ne sont pas émancipées de l'Eglise ! »

Voix 2 - avec l'accent anglais : Quant à moi, je suis la bibliothèque de son père. Je suis un meuble anglais : des étagères montées sur un pied tournant comme un tourniquet. Georges aime énormément sa mère, au point de lui dire je t'aime dans ses lettres. Et il voue à Benjamin, son père, une grande admiration. Benjamin est médecin. Homme de gauche, républicain engagé, athée et passionné d'art, il transmet beaucoup à son fils : son métier, ses idéaux révolutionnaires et son goût pour le beau.

Voix 3 : Son père aurait sûrement été fier de te voir, toi, la bibliothèque chargée des oeuvres de son fils. Mais au fait, es-tu assez grande et robuste pour porter toute son oeuvre ?

Voix 2 : Attends, je compte. D'abord, les journaux qu'il a fondés ou dont il a été rédacteur en chef : le Matin, l'Aurore, le Bloc, l'Homme libre, puis l'Homme enchaîné. Ça commence fort !
Voix 3 : Georges est républicain radical. Quand il s'engage en politique et fonde son premier journal, il est un homme d'extrême gauche. Quand il devient ministre de l'Intérieur, il réprime durement les grèves, et ceci l'éloigne des socialistes.

Voix 1 : Georges finit par devenir un défenseur de Dreyfus. Il intervient auprès du directeur de l'Aurore pour le convaincre de publier « J'accuse… ! », la lettre ouverte d'Emile Zola.

Voix 2 : C'est Georges qui a eu l'idée du titre !

Voix 3 : Il défend aussi la séparation des Eglises et de l'Etat, au fondement de notre laïcité.

Voix 2 : Oui. Il met ainsi fin à un long débat public.

Voix 3 : Et il est le premier représentant de la gauche anticolonialiste. Il s'oppose à Jules Ferry sur ce point.

Voix 1 : C'est Georges qui fait tomber le gouvernement de Jules Ferry.

Voix 3 : Il est alors appelé « le tombeur de ministères ».

Voix 2 : Euh, ça ne vous ennuie pas qu'on revienne à moi ? On en était à compter si je voulais accueillir toute son oeuvre ?

Voix 3 : Oups, oui, pardon… Alors, après les journaux, il nous faut classer ses essais. La Mêlée sociale en 1895. Le Grand Pan, 1896. Au pied du Sinaï, 1898. L'Iniquité, 1899. Des juges, 1901. Aux embuscades de la vie, 1903. Démosthène, 1926. Au soir de la pensée, 1927 et Claude Monet : les Nymphéas, 1928.

Voix 2 : Attendez, j'ai aussi une traduction : John Stuart Mill, Auguste Comte et le positivisme, Paris, Alcan, 1893.

Voix 3 : Et n'oublions pas non plus la littérature.

Voix 2 : Oh yes, of course ! Les Plus Forts, roman de 1898. Au Fil des jours, recueil de 59 nouvelles, 1900. Le Voile du bonheur, pièce en un acte, 1901, représentée pour la première fois en novembre 1901 au Théâtre de la Renaissance.

Voix 3 : Restent les éditions posthumes…

Voix 2 : Oh stop please, stop je craque ! …C'est si lourd tout ça… Je ne peux plus pivoter ! Je ne peux plus pivoter..

Voix 1 : Parmi tous ses écrits, ses pamphlets et discours, il en est un que j'aime particulièrement, un dans lequel Georges s'illustre et se montre visionnaire.

« Les races supérieures ont sur la races inférieures un droit qu'elles exercent, ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de civilisation. Voilà en propres termes la thèse de M. Ferry, et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ? Races inférieures, c'est bientôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. Race inférieure, les Hindous ! Avec cette grande civilisation raffinée qui se perd dans la nuit des temps ! Avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l'Inde pour la Chine, avec cette grande efflorescence d'art dont nous voyons encore aujourd'hui les magnifiques vestiges ! Race inférieure, les Chinois ! Avec cette civilisation dont les origines sont inconnues et qui paraît avoir été poussée tout d'abord jusqu'à ses extrêmes limites. Inférieur Confucius ! »

La photo montre une bibliothèque tournante basse ave les renards en bronze de Georges Clemenceau

crédit : Centre des monuments nationaux

L'image montre le salon d'été avec la table de tric trac, des fauteuils, des tables basses, des lampes

crédit : Yann Monel

Le dossier thématique

Parcours sonore de la maison et jardins de Georges Clemenceau

Dossier | 8 contenus

L'image montre la maison de Georges Clemenceau à Saint-Vincent-sur-Jard vue du ciel