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Un jardin de toutes les couleurs

Le jardin de la maison de Georges Clemenceau

Imaginez qu’à l’arrivée de Georges Clemenceau, tout n’était que dune et sable autour de la maison. À vos appareils pour immortaliser la floraison du jardin au fil des saisons !

Silence ça pousse !

Grâce à sa ténacité, Georges Clemenceau réussit, entre 1920 et 1929, à concevoir et à réaliser un jardin en plusieurs parties : une terrasse fleurie devant la maison, un parterre de fusains dorés et un autre de roses à l’arrière de la maison. 

À l’époque où Georges Clemenceau arrive à Bélébat, en 1919, une transition s’opère dans la forme des jardins telle que pensée au XIXème siècle.

Le jardin paysager, arrivé d’Angleterre, idéalise la nature et met en scène le paysage. Son tracé est irrégulier et ses principes sont les points de vue agréables sur le jardin depuis le bâtiment pour engager à la promenade.

Progressivement, le jardin retrouve des tracés plus réguliers. On parlera alors de jardin « mixte ».

Georges Clemenceau refuse les références au jardin « à la française » imposé par l’aristocratie et la bourgeoisie politique et financière de l’époque. Il n’aime ni les allées, ni les massifs, ni les haies taillées : « Vous aurez tout le temps de venir contempler mon jardin sans platebande, sans corbeille, sans massif, sans bosquet, sans allée »

Il n’apprécie pas non plus les nouvelles formes proposées lors de l’exposition des arts décoratifs de 1925 : « Quelle conception ont-ils ces jardins ? Qu’est-ce que fichaient vos pères ? Ce n’est pas possible, ils étaient curés ! Car ici, je vous le demande, qu’est-ce qui vous manque ici ? Une allée ! Une allée ! Comme chez un bourgeois ! Comme chez Caillaux ! Pourquoi pas une pelouse, avec une boule au milieu, comme chez Poincaré ? »

Georges Clemenceau dans son jardin
Georges Clemenceau dans son jardin

© Reproduction Philippe Berthé / Centre des monuments nationaux

Un « jardin sauvage » ou « naturel »

Ce style, apparu au XIXème siècle en Angleterre, initié par William Robinson, jardinier horticulteur, inventeur du « Wild garden », préconise de laisser la nature s’exprimer plutôt que de la contraindre et d’intégrer dans la composition des espèces locales ou indigènes. En effet, l’utilisation de variétés hybrides acclimatées issues du progrès de l’horticulture est parfois jugé excessif. 

Clemenceau aime les compositions sans ordre et le mélange des différentes espèces qui cohabitent.

Pour les hommes, libre pensée, pour les plantes, libre poussée. Voilà pourquoi je ne me crois pas autorisé à imposer mes pauvres idées d’homme à des fleurs qui ont bien assez de leur instinct.


Le 12 juillet 1923, il écrit à son ami Claude Monet :
« Me voici donc installé dans ma féerie de la terre, du ciel et de l’oiseau. Je ne sais pas comment ils apprécient ma présence, mais ils me donnent des joies infinies. Le jardin, c’est l’homme : voilà ce que je pense chez vous, voilà ce que je dis chez moi. Votre petite flaque d’eau s’appelle ici l’Atlantique…Enfin mon jardin est une sauvagerie de tous les verts de la palette embroussaillée dans les mêlées d’amour avec des tâches de l’arc-en-ciel qui seraient tombés en pluie. Ça ne se décrit pas. »

 

Le jardin au printemps
Le jardin au printemps

© Marie Vernillet - Centre des monuments nationaux

Afin de proposer une promenade aux visiteurs, le jardin prend la forme d’un parcours tel qu’on pouvait en trouver dans les jardins de cette époque, évoquant l’aménagement des jardins paysagers.

Une allée principale permet d’accéder à la maison depuis le bâtiment d’accueil et une allée de ceinture permet de faire le tour du jardin. Des allées secondaires permettent de rejoindre les différents espaces dont la terrasse fleurie, le parterre de fusains dorés, le petit bois, l’enclos et l’allée du bord de mer. 

Figurez-vous que Clemenceau est lui-même allé chercher les fusains à Angers ! 

Au sud, entre la maison et l’océan, le paysage est baigné de lumière et ouvert sur le paysage tandis qu’au nord, à l’arrière de la maison, l’espace est fermé dû à la proximité de la forêt. On retrouve des oppositions et complémentarités de volume et de couleurs, et des contrastes entre les espaces découverts et des espaces boisés. Les fabriques ici sont le puits et le buste de Clemenceau, tourné vers l’océan et l’horizon.  

Le jardin est essentiel à Bélébat : lieu d’expériences, de méditation et de joie. Dans cette création très personnelle, Georges Clemenceau joue avec la lumière, l’espace, les couleurs, les formes, les textures et les plantes.

Allée en bord de mer
Allée en bord de mer

© Centre des monuments nationaux - Sébastien Arnault

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